Enseignements secondaires : Les Zones d'Éducation Prioritaire lésées et dépouillées de leurs Personnels éducatifs !
Une tribune de Roger Djidda, Secrétaire général de l'Association pour le développement du département du Mbéré (ASDDEM).

Sur les dix régions que compte le Cameroun, 04 sont considérées officiellement comme étant des Zones d'Éducation Prioritaire à savoir : l'Extrême Nord, le Nord, L'Adamaoua Et l'Est. l'État du Cameroun ayant fait l'amère constat que ces zones rencontraient un retard en terme de sous-scolarisation par rapport aux autres régions a décidé d'apporter un appui particulier à ses dernières dans le dessein de leurs permettre de rattraper ce retard criard dont nous ferons l'économie de ne pas en donner les causes ici.

Des mesures étatiques concernent au plan structurel ; La création des établissements scolaires, leurs ouvertures ; au plan infrastructurel, la construction des salles de classes, salles multimédias,  des blocs administratifs, la dotation des tables bancs, l'aménagement des aires de jeux, des toilettes , des bibliothèques, du matériel de bureau, pédagogique et didactique, l'affection(mutation) en nombre important du personnel enseignant et membres de l'administration sans oublier la gratification et stimulation des apprenants afin que ces derniers s'intéressent davantage à l'éducation.

Toutefois au-delà de cette batterie de mesures impressionnantes sur les papiers, ensuite implémentées sur le terrain, force est de reconnaître que depuis quelques années, l'État a de plus en plus du mal à remplir et tenir à ses engagements d'alors. Et cela à cause de certaines tares et leurs corollaires d'avatars qu'il serait important de relever ici  avec force .

On pourrait pour cela relever l'immixtion intempestive de certains hommes politiques qui ont « les bras longs de jour comme de nuit » et qui amènent les responsables à prendre des décisions irrationnelles, à têtes chercheuses et très souvent fantaisistes notamment en termes de création des établissements scolaires. Vous verrez donc la naissance comme des champignons des établissements dans les mêmes villages . Tenez par exemple dans le département du Mbéré, région de l'Adamaoua, il existe trois établissements dans deux villages distants d'à peine 6 kms dans lesquels on a créé deux CES et un CETIC pour une population d'environ 3.000 âmes et comme conséquence le CETIC pourtant créé n'a jamais ouvert depuis 2014 faute d'élèves. Or à 25 kms de là dans la ville de Meiganga les autorités en charge du secteur éducatif et quelques fils du terroir de bonnes foi à travers leur association ASDDEM(Association pour le Développement du Département du Mbéré) font des pieds et des mains en vain afin que Yaoundé accorde un autre établissement supplémentaire pour juguler l'affluence. Car ceux existant sont de plus en plus débordés avec des effectifs pléthoriques.

De même, on peut évoquer les affections fantaisistes sans une réelle prise en compte des doléances et besoins du terrain acheminés fidèlement via les délégations départementales et régionales . Un peu comme si on décidait d'aménager un terrain de tennis à coup de millions dans un village qui ne  demande qu'un forage et dont les populations meurent fautes d'eaux potables . Vous avez donc la mutation (affectation) des enseignants littéraires où on a plutôt besoin des enseignants scientifiques et vice-versa. À côté de cela vous avez des établissements avec pour seul enseignant permanent le chef d'établissement comme au CETIC de Gbazer, lui-même obligé de se plier en quatre ou de recourir aux pauvres Populations pour avoir quelques vacataires. Plus graves encore vous avez donc des vacataires qui n'ont pas été moulés au nouveau système d'enseignement en vigueur appelé APC( Approche par les compétences) et très souvent ont du mal à pratiquer les activités d'enseignement-apprentissages selon les règles de l'art en facilitant aux apprenants l'acquisition des savoir-savant, savoir-faire et savoirs-être.  Au finish, vous aurez  donc des taux de réussite en deçà des espérances malgré la bonne volonté et des élèves et du personnel enseignant et des responsables de l'administration. Nous n'oublions pas que certains enseignants envoyés dans ces ZEP passent des mois, voire plusieurs années avant de percevoir leurs salaires à l'instar de notre compatriote de regretté mémoire Hamidou (10 ans) qui est passé de vie à trépas en enseignant sans toutefois goutter le fruit de son dure labeur.

En outre, au-delà des soucis managériales et organisationnels dans la gestion du  personnel, on doit y ajouter une absence criarde des salles de classes ce qui amène les chefs d'établissements au-delà des textes à faire avec le contexte en scindant les salles de classes par des contreplaqués, en cloisonnant les salles de classes et en  transformant les espaces vides entre ces salles en une nouvelle salle de classe , pas besoin de vous dire que dans certains établissements les cours se font sous les arbres en plein air fautes de salles . Pour résoudre le problème lié à l'absence des blocs administratifs , certains chefs d'établissements transforment une salle de classes en plusieurs box séparés des contreplaqués, chaque box devenant ainsi un bureau pour les chefs de services(provisorat ,censorat, surveillance général, intendance...).

De même, à cause de l'absence des tables bancs, les élèves sont obligés de prendre cours assis à même le sol , sur les pierres pour certains , pour les plus chanceux ils s'asseyent à 5 voire 07 par table-banc. Les aires de jeux mal aménagés rivalisent d'adresse avec les billons de patates des champs voisins . Le matériel didactique et pédagogique manquant le personnel enseignant se voit obligé de faire avec les moyens de bord. L'absence d'électricité, de forages , routes , réseau téléphonique, maison d'habitation, insécurité, centre de soins médicaux,  pénurie alimentaire sont le train quotidien des enseignants rencontrés dans ces ZEP.  Étaler tous le maux qui minent leurs vies  et conditions de travails de ces enseignants dans ces finages pourrait nous prendre des jours .

La lancinante question qui taraude nos esprits est celle de savoir :

Pourquoi a-t-on dépouillé le septentrion et la région de l'est de son personnel éducatif alors que ces régions sont censés être "privilégiées" vu qu'il s’agit des ZEP ? Comment peut-on sinistrer davantage pédagogiquement des zones déjà sinistrées par la sous-scolarisation ? Comment peut-on  à qui la faute et comment faire pour en sortir ?

Nous n'allons pas tout rejeter sur l'État, toutefois il a une très grande responsabilité dans ce galimatias et situation sinistre , inique voire deshumanisante car c'est lui qui pense les plans de développement est chargé de les implémenter via ses structures déconcentrées et gère la ressource humaine du secteur éducatif. C'est bel et  bien Yaoundé qui fait tout, décide  de tout. Comment peut-on en vouloir à un d'enseignant qui a passé plus de 10 ans à Kombo Laka, un village riches en ressources minières (or , diamants, fer...exploité par les chinois ) mais qui manque de tout (lumière, forages, pont sur le Lom, route , poste de sécurité , réseau téléphonique...) et qui décide de se faire muter ailleurs ? D'autant plus qu'il voit comment son jeune collègue qui à peine sorti de l'école est   venu juste  prendre service et par la suite a immédiatement été muter en ville ? Un d'enseignant qui travaille dans de bonnes conditions peut-il chercher à aller voir  ailleurs ? Un enseignant qui voit des jeunes à peine sortis des écoles de formation parfois leurs élèves se faire nommer et devenir leurs  chefs hiérarchiques sans véritable  respect du profil de carrière doit-on lui en vouloir si ce dernier demande à être muter ailleurs après avoir passé plus d'une décennie dans ce  village ? Le simple fait d'assister à des séminaires en ville et se faire interpeller de manière moqueuse par ses  promotionnaires des villes « Enseignants à vocation rurale » frustre plus d'un et les amènent  également à migrer en zone urbaine vu qu'il n'y a pas à priori des enseignants condamnés à travailler en zones rurales ( Darack , Moloundou, Yamba, Yamboya, Kolofata, Dargala , Kalfou Sonkolon et ceux condamnés à exercer en zone urbaine( Yaoundé, Douala , Bafoussam...). Nous devons également relever que le corps enseignant est rempli d'opportunistes venus juste chercher le matricule et qui refusent de travailler dans ces ZEP préférant les villes , se donnent les moyens de réaliser leurs vœux par le truchement des comptoirs installés dans les services de gestions des personnels enseignants.

Roger Djidda, Secrétaire général de l'ASDDEM

Les solutions pour juguler la situation

Au-delà donc de la chirurgie sans anesthésie effectuée pour connaître et comprendre  la situation et les raisons profondes des départs massifs des enseignants des ZEP vers les métropoles(zones urbaines) , nous proposons quelques solutions de sorties de crises :

  La mise sur pieds d'un plan urgent de développement des ZEP,  Zones d'Éducation Prioritaire avec en toile de fond l'aménagement des (routes, salles de classes , forages , lumière, réseau électronique, centre de santés, postes de sécurité, maisons d'habitation...)

Une décentralisation de la gestion de la ressource humaine au niveau local,  des délégations régionales et départementales qui sont mieux outillées pour faire les mutations, déploiements, redéploiements du personnel envoyé des écoles de formations.

Accorder une prime spéciale aux enseignants des ZEP , des zones à risque.

Redéployer les enseignants ayant déjà fait plus de 05 ans dans un établissement conformément aux textes en vigueur. Une sorte de rotation.

Décongestionner le personnel enseignant en zone urbaine notamment à douala et Yaoundé vu qu'il y'a un trop plein d'enseignant dans ces villes qui sont sous-employés(04 heures de cours pour certains, soit une journée/semaine de travail)  alors qu'il en manque énormément ailleurs.

Revoir à la hausse l'appui financier du service centrale aux services déconcentrés (régions), car il est injuste que Yaoundé conserve 85% des ressources et qu'à peine 15% y aillent alors que le gros du travail est mené sur le terrain dans les établissements et non dans les bureaux climatisés .

Les chefs des villages et élites dans les ZEP soient davantage plus impliqués dans les associations de parents d'élèves et enseignants afin d'apporter un appui tout azimut au personnel enseignant, élèves et membres de l'administration. Certaines associations à l'instar de L'ASDDEM (Association pour le Développement du Département du Mbéré), l'Association des Anciens élèves des Lycées et Collèges s'y mettent déjà avec des résultats probants.

Nous croyons humblement que ces mesures aideront beaucoup à résoudre les problèmes rencontrés dans nos zones d'éducation prioritaire.

Quelques chiffres effroyables qui mettront à coup sûr la rentrée scolaire en périls dès ce lundi dans ces ZEP si rien n'est fait :

Département du Mayo Banyo : 101 départs pour 11 arrivés.

Département du Mbéré : 87 départs pour 12 arrivés

Département de la Kadey : 152 départs  pour 14 arrivés .

Département du Mayo Louti : 59 départs pour 03 arrivés

Département du Faro et Déo :78 départs  pour 03 arrivés.

Ceci n'est qu'un échantillon montrant le gap important entre les départs nombreux et les arrivés moindres, sans oublier qu'avant ces mouvements effectués du 19 août au 25 août, les besoins dans ces ZEP en termes de personnel enseignant étaient déjà énormes. 

Une tribune de Roger Djidda, Secrétaire général de l'Association pour le développement du département du Mbéré (ASDDEM).

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