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Depuis plusieurs semaines, experts observateurs se succèdent sur les plateaux des talk-shows et dans les colonnes des journaux pour décrypter cette fusion, qui, décidément, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Un vrai maelström médiatique qui établit une échelle de compréhension à trois marches : le connu, le perçu et l’inconnu.
Le périmètre du connu regroupe tous les arguments avancés par Célestin Tawamba, le président du GICAM, initiateur inspiré de cette fusion. Ce capitaine d’industrie propose que cette opération dissolve les 2 institutions pour accoucher d’une centrale patronale beaucoup plus forte, plus audible et plus influente.
Il y a ensuite le perçu qui laisse penser que cette fusion est avant tout un subterfuge électoraliste. Car ce qui se joue c’est aucun doute la transition à la tête du GICAM. Après deux mandats de trois ans chacun, le président Tawamba doit en réalité passer le témoin en décembre prochain pour être en accord avec les textes en vigueur. Les observateurs estiment que c’est à cette ambition que sert la fusion, qui va rabattre les cartes avec la naissance d’une nouvelle organisation patronale.
Il y a enfin l’inconnu du débat, occulté jusqu’à présent par la surexposition médiatique de cette fusion. C’est celui d’une refondation en profondeur du GICAM. Cette idée est un volcan qui bout loin de la surface et qui attend le moment requis pour déborder du cratère. Cette mutation est principalement dictée par l’âge de cette organisation vieille de 66 ans. Ce qui impose de dépoussiérer les meubles, et de revisiter les combats.
Cette transformation devra obliger le GICAM à épouser la structure de l’économie camerounaise. Pour le comprendre, il faut scruter les statistiques officielles : 98 % des entreprises camerounaises sont des PME mais celles-ci sont très faiblement représentées au sein de l’écosystème patronal. Ce ratio est de 0,45 %, toutes organisations patronales considérées. Il est en n’en point douter insignifiant.
Il est donc urgent d’améliorer cette représentativité. Cette entreprise va-t-elle obliger le GICAM à changer de paradigme pour ne plus être perçu comme un outil politique au service des grands patrons ? Qui sont-ils ? Des dirigeants de multinationales, des industriels, des membres de grandes familles. Bien qu’ils ne soient pas très nombreux, ces patrons doivent leur force à leur poids économique. Pour s’en convaincre, au Cameroun, quinze entreprises cumulent 35 % du chiffre d’affaires des entreprises « modernes ». En plus, le GICAM clame volontiers qu’il contribue à 35 % aux ressources de l’Etat.
Mais cette réalité ne doit pas dessiner le GICAM sous les traits d’un lobby qui se cantonne à renforcer les pouvoirs des dominants et pour lequel la défense des intérêts patronaux ne présente rien d’héroïque ni de patriotique. C’est pourquoi le plus grand nombre qui appelle un débat sain pour la refondation croit fermement qu’il ne peut plus y avoir une reproduction du patronat comme classe dominée par les plus puissants.
L’urgence de cette nouvelle réalité patronale inclut aussi d’autres défis :
Le défi sémantique : Le mot patron cristallise encore le rapport vertical tendu et arrogant d’avec la classe ouvrière. Il est plus d’usage aujourd’hui de parler de dirigeant, de leader et d’équipe ; ce qui a induit des libellés plus inclusifs autour des termes « entrepreneurs », « dirigeants », « entreprises ». Patron, un mot éculé ? Peut-être bien.
Le défi de l’organisation interne : La structure pyramidale actuelle du GICAM est adossée à une segmentation des membres par la taille et le chiffre d’affaires. Avec le parti pris stratégique national de l’approche par filières, il nous semble qu’une segmentation sectorielle aurait une meilleure efficacité, en termes de convergence d’intérêts, de structuration de pôles métiers et surtout de chaînes de valeurs. A titre d’exemple, l’agro-industrie l’un des 3 piliers stratégiques de la SND 30 et du Livre blanc du GICAM n’est pas représentée par une commission au sein du GICAM, ni le secteur agricole qui emploie 61% de la main d’œuvre active du pays. Réformer l’organisation fonctionnelle pour mieux l’articuler autour des enjeux de la transformation de l’économie nous semble être un incontournable.
Enfin, le défi de la représentativité : En premier la représentativité sectorielle. L’approche sectorielle apporterait plus de lisibilité dans les efforts et les résultats économiques, avec une concentration des énergies permettant de ratisser plus large, de fédérer par centres d’intérêts, sur la base de la nature de l’activité. On entrevoit par exemple la marche vers une confédération comme en Côte d’Ivoire avec la CGECI (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire), ou la FEC (Fédération des Entreprises du Congo en RDC avec les comités professionnels).
Deuxio : La représentativité géographique. En fait, même si Yaoundé et Douala capturent la moitié des sièges d’entreprises, il reste que des pans d’activité économiques sont essaimés dans les régions, et qu’à travers le prisme de la décentralisation, le GICAM devrait oser la représentation territoriale. Les Medef territoriaux par exemple, font entendre le pouls des régions à Paris.
Tertio : la représentation internationale. Car la diaspora économique est un puissant pilier de développement avec les flux d’investissements qui pourraient être mieux accueillis puis orientés.
La probabilité pour que la transition actuelle au GICAM débouche sur cette entreprise de refondation est très grande. Sauf que le débat sur la fusion est venu occulter cette dynamique. La question est maintenant celle de savoir si cette fusion peut être fatale à la refondation ?
Ce n’est certainement pas possible. Pour décapiter une idée pareille il faut une guillotine de qualité. La fusion-création entre le GICAM et ECAM est loin d’être le cas. Il nous intéresse, de voir comment la transition va créer les conditions de la refondation attendue du GICAM. En effet, le pionnier et porte étendard de la solidarité patronale, doit absolument, inévitablement, saisir la fenêtre d’opportunité offerte par le grand rendez-vous national, celui de l’émergence, celui de 2035…
Il nous faut un GICAM accélérateur et catalyseur de la transformation du pays, porteur d’une vision pour l’association et pour l’économie camerounaise.
Réformer pour adresser les challenges d’aujourd’hui avec efficacité, c’est là l’essentiel.
METCHUM TAYOU, (Experte en Marketing)
Albert Richard MAKON MA MBEB, Ph.D
(Docteur PhD. en Droit Public, Enseignant - Chercheur, Université de Douala, Spécialiste du Droit des Investissements, Consultant au Cabinet Media & Law Conseils, Expert/Consultant en leadership, Directeur Exécutif de l'IGAC)
Source : Le Messager
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