Couverture Sanitaire  Universelle : On y est presque
Même si la mise en œuvre marque le pas en Afrique, il existe une réelle prise de conscience des enjeux. Elle prend par exemple en compte les défis d’ordre méthodologique, organisationnel, financier et managérial. Cela se vérifie au Cameroun, avec la construction des hôpitaux et centre de santé de référence, le renforcement du plateau technique des formations sanitaires, l’amélioration de l’offre des soins et services de santé, le développement du système d’assurance-maladie entre autres.

Un article de Mbarawa Kofia, MPh, Doctorant en financement de la santé, spécialiste des projets de santé.

La mise en place de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) est devenue depuis l’adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD), un indicateur important en matière de développement. C’est du moins, un des engagements que se sont faits les pays du monde entier, à l’horizon 2030. En Afrique, même si la mise en œuvre marque le pas, il existe une réelle prise de conscience des enjeux. Malgré le retard accusé, il n’est pas difficile d’accélérer les progrès vers la mise en place de la CSU en Afrique, à condition de définir un leadership politique et une vision stratégique claire. Il prend en compte les défis d’ordre méthodologique, organisationnel, financier et managérial. Aussi, il considère l’amélioration de la qualité des soins afin de satisfaire la population et faciliter le développement du système d’assurance-maladie. C’est du moins, l’axe que le Cameroun a défini afin de rendre réaliste la CSU dans le triangle national.

La CSU est un système qui consiste à ce que l’ensemble de la population ait accès aux services et soins préventifs, curatifs, palliatifs, de réadaptation et de promotion de la santé dont elle a besoin, que ces services soient de qualité suffisante pour être efficaces, sans que cela génère pour elle, de difficultés financières. Elle prend ainsi en compte la disponibilité de l’offre des services et soins de santé de qualité et, la protection contre le risque financier lié à la maladie. Le chef de l’Etat a initié cette vision depuis 2015 mais, les efforts ont commencé à s’apercevoir que durant ces 03 dernières années. En effet, lors de la définition de cette vision, le Cameroun rencontrait un nombre important de défis, pouvant rendre difficile l’implémentation de la CSU au Cameroun.

Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la définition des responsabilités entre le Ministère de la Santé et la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale dans le rôle tutélaire de la CSU ; l’approche à adopter pour le management du système ; l’amélioration de l’offre des soins et services de santé, les programmes de santé offrant déjà des services et soins gratuits ; l’adaptation de l’approche aux ressources internes du pays à pouvoir être mobilisées ; l’implication des Collectivités Territoriales Décentralisées dans la couverture de toutes les couches particulièrement la couverture des indigents et nécessiteux. Face à tout ceci, le MINSANTE a lancé d’énormes travaux touchant la plupart de ces défis. Cette analyse présentera les efforts du Gouvernement pour l’implémentation de la CSU, en s’attaquant à 03 retards qui contribuent à augmenter le taux de mortalité maternelle et infantile au Cameroun. Ils sont (i) le retard dans la prise de décision de se rendre vers une formation sanitaire, (ii) le retard lors du transport vers une formation sanitaire et, (iii) le retard dans la prise en charge des cas, dans une formation sanitaire.

Actuellement, la stratégie d’amélioration de l’offre des services de santé se base sur la politique de santé communautaire qui sert de levier pour positionner les Agents de Santé Communautaires (ASC) comme interface entre la population et les formations sanitaires. Cette stratégie donne la possibilité aux ASC, sous certaines conditions, à fournir des services de soins primaires essentiels et à faire des références vers les Centres de Santé Intégrés (CSI) dont le nombre est de plus en plus multiplié afin de toucher la population au dernier kilomètre. Dans leur paquet d’activité, à travers le Plan Stratégique National de la Santé Communautaire lancé par le Dr Manaouda Malachie, Ministre de la Santé Publique en juillet 2022, les ASC seront les pivots du système de la santé au niveau communautaire, à travers leur activité de sensibilisation et d’accompagnement de la population vers le changement et l’adoption de comportement en faveur de l’amélioration de la santé générale. Cela va permettre aux populations d’identifier rapidement des cas d’urgence sanitaire et, ainsi, les amener à prendre rapidement une décision pour se diriger vers les formations sanitaires.

Cette pratique pourra ainsi favoriser la lutte contre le premier retard observé qui participe à augmenter le taux de décès maternel et infantile. Cette boussole, permettra d'améliorer les indicateurs de la santé, en particulier ceux de la mère et de l'enfant, ainsi que ceux de santé de la population en général dans toutes les communautés de l'ensemble des Districts de santé au Cameroun, ceci en faisant participer l'individu à ses propres soins primaires. A travers l’arrêté No 2039/MINSANTE du 25 mai 2023 fixant la carte sanitaire du Cameroun pour la période 2021-2025, le gouvernement donne l’orientation vers le renforcement de l’accessibilité des formations sanitaires par la population. Ainsi, la carte sanitaire programmatique du Cameroun indique qu’en date de janvier 2023, le Cameroun dispose de 200 Districts de Santé, 4 089 Aires de Santé, 5 648 Formations Sanitaires contre les chiffres en 2018 qui étaient de 189 Districts de Santé, 1 800 Aires de Santé et 5 166 Formations Sanitaire. Cet effort du Gouvernement concours à rapprocher davantage la population des formations sanitaires.

Dans sa politique du renforcement des formations sanitaires, le Dr Manaouda Malachie ne lésine pas sur les ressources. Sur ces 03 dernières années, des investissements énormes ont été faits pour le renforcement du plateau technique des formations sanitaires. Il est à noter qu’en 2023, 26 formations sanitaires disposaient d’appareil de scanner et/ou IRM parmi lesquelles la totalité des Hôpitaux régionaux, 03 hôpitaux régionaux annexes, 01 Hôpital de District, 03 Centres Hospitaliers Régionaux et 10 hôpitaux de haut niveau regroupant les hôpitaux généraux, centraux et de référence. Une amélioration a aussi été menée sur le plan de la prise en charge de l’insuffisance rénale qui pèse lourdement sur le patient, les poussant souvent à des dépenses catastrophiques et appauvrissantes. Afin d’améliorer la prise en charge de cette maladie, à ce jour, le Cameroun dispose de 11 Centres d’hémodialyse publique dans les 10 régions et l’offre privée existe à Douala et Banganté. Il mérite de préciser que le Centre Régional d’Hémodialyse de Ngaoundéré a été inauguré le 27 décembre 2022 et celui de Bafoussam qui est déjà prêt, est en attente d’inauguration. Toujours dans le renforcement du système de santé, le Gouvernement a procédé à l’appui de nombreuses formations sanitaires en matériels roulant.

C’est le cas de la remise de 25 ambulances médicalisées entièrement équipées, 35 appareils de radiographie mobile et 250 moniteurs multiparamétriques avec électrocardiogramme entre autres en mars 2021. Aussi, le Dr Manaouda Malachie a eu à procéder en août 2022 à la remise de 28 moto-ambulances aux responsables des Délégations Régionales de l’Est et du Septentrion, dans le but de faciliter le transport des malades des CSI vers les formations sanitaires aux plateaux techniques plus élevés. Cet appui vise à améliorer le transport des malades ainsi que le référencement et, ainsi entre dans la directive pour lutter contre le deuxième retard indiqué plus haut. En effet, selon une étude réalisée par le MINSANTE, 70% des décès lors de référencement sont attribuable aux conditions de transport qui sont souvent des véhicules ou motos non adéquat pour la prise en charge, pourtant, un moyen de transport plus adéquat éviterai ses décès en trop.  

Dr Manaouda Malachie, Ministre de la Santé Publique

Pour ce qui est des services spécialisés de niveau supérieur, renforçant finalement les bases du système de santé et améliorant la façon dont la population reçoit les soins dont ils ont besoin, le Gouvernement a procédé au lancement effectif de 05 Centres Hospitaliers publics dont 03 sont déjà fonctionnel donnant un total de 05 Centres Hospitalier en 2023 contre 02 Centres Hospitaliers en 2018, tous deux à l’époque situés à Yaoundé. C’est aussi le cas des hôpitaux généraux et assimilés qui viennent d’atteindre récemment le nombre de 06 avec la création et ouverture de l’Hôpital Général de Garoua dans le septentrion, dont la zone souffrait de la présence d’une structure d’envergure de ce niveau. Cette stratégie permet d’offrir de plus en plus d’interventions de pointe dans toutes les parties du Pays. La mise en fonction de l’Hôpital Général de Garoua permet actuellement d’accueillir des patients venant des régions septentrionales du pays et des pays voisins de la sous-région tels que la République Centrafricaine, le Tchad et le Nigéria. L’effort du Gouvernement dans le renforcement de la capacité des structures sanitaires ne s’arrête pas qu’à ce niveau.

Le renforcement du plateau technique hospitalier du Cameroun vient ainsi contribuer à réduire le gap dans la prise en charge des maladies selon un certain standard et, ouvre la porte à de nouvelles interventions médicales qui se faisaient qu’à l’étranger, très récemment. Parmi celles-ci, nous pouvons citer les interventions de transplantation rénale dont la toute première greffe en provenance d’un donneur vivant a été réalisée à l'hôpital général de Yaoundé le 10 novembre 2021. En 2022, 03 autres transplantations rénales ont été effectuée toujours à l’hôpital Général de Yaoundé. Ces interventions ont ainsi permis d’améliorer l’état de santé des patients en phase terminale de l’insuffisance rénale. Il est aussi à indiquer que le Cameroun a permis, grâce à une autre des initiatives de la première dame Chantale Biya, à travers le Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et de Reproduction Humaine (CHRACERH), spécialisé en matière de procréation médicalement assistée, a permis à de nombreuses femmes de procréer, parmi lesquelles, une femme de 62 ans qui a pu donner la vie pour sa première fois, une grande première en Afrique. Ces différents renforcements en termes de l’offre des services et soins spécialisés, de la disponibilité du personnel sanitaire et, de la disponibilité des intrants, visent à lutter contre les trois retards.

Toujours dans cette logique, le Ministre de la Santé Publique procédé systématiquement au redéploiement du personnel médical dans toutes les formations sanitaires du pays. Il y a 6 ans, les 3 régions septentrionales du pays ne comptaient qu’un seul médecin pédiatre, que 02 diabétologues et qu’un seul hépato-gastro-entérologue, pour ne citer que ces spécialités. Certaines régions du pays ne comptaient pas plus de 3 spécialistes comme le fût le cas de la Région de l’Est. Presque tous ces spécialistes étaient localisés à Yaoundé et Douala. Les CSI des zones rurales ne disposaient que d’un seul personnel et, les CMA/HD n’avaient qu’un seul médecin. Un cumul de poste était systématique entre le Chef de District de Santé et le Directeur de l’Hôpital de District. Les affectations étaient rares et, le personnel médical récemment intégré pouvait passer au minimum 12 moins avant de se faire déployer sur le terrain.

Mais, depuis 3 ans environs, les régions septentrionales ainsi que l’Est comptent désormais au moins 05 spécialistes. La plupart des Hôpitaux de District a dorénavant au moins 1 spécialiste. Le déploiement du personnel nouvellement affecté se systématise au courant de 3 mois maximum. Une présence de plusieurs personnels médicaux se fait déjà dans les CSI des zones rurales et, la disponibilité du personnel qualifié se fait dans les formations sanitaires. Sur le plan de la fourniture des intrants médicaux, une lutte acharnée est actuellement en cours pour combattre les produits sanitaires contrefaits. C’est dans ce sens que le MINSANTE a mis en place une liste actualisable chaque année, de prestataires de santé autorisés à livrer des matériels et consommables médicaux dans les formations sanitaires publiques. Avec cette stratégie, un premier niveau de contrôle de la qualité des intrants médicaux est mis en place. A travers cette humanisation des formations sanitaires et des soins, les efforts du Gouvernement tendent ainsi à lutter contre ce dernier retard, lié à la prise en charge des patients dans les formations sanitaires.

Même comme elles sont encore en cours, toutes ces réalisations concourent vers la mise en place de la CSU au Cameroun. La CSU est inscrite comme programme social majeur du septennat actuel du président Paul Biya. Cette volonté présidentielle a rencontré depuis janvier 2019, l’engouement et l’acharnement du Dr Manaouda Malachie, Ministre de la Santé Publique, pour favoriser l’implémentation de cette vision. Cette détermination entre dans le cadre de l’approche d’amélioration des conditions de travail des professionnels de la santé et d’humanisation des soins que le Ministre a entrepris, afin que les tares et les mauvaises pratiques jusque là présentes dans les formations sanitaires, puissent s’arrêter. Malgré l’existence de brebis galeuse, le chantier que le Ministre de la Santé est en train d’entreprendre conduira à coup sûr vers l’implémentation effective de la CSU au Cameroun avec sa phase pilote qui débute déjà durant cette année 2023.

Par Mbarawa Kofia, MPh, Doctorant en financement de la santé, spécialiste des projets de santé.

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